Par Ustad Adam Abou Anas
Fondateur, formateur, thérapeute – Psychothérapie Islamya Institut
Une observation clinique avant tout
Au fil des années, dans les consultations, les échanges et les silences des âmes blessées, une chose m’a profondément marqué :
Beaucoup de personnes très diplômées sont incapables de penser librement.
Elles ont étudié. Elles ont validé leurs semestres. Elles ont des masters, parfois des doctorats.
Mais quand on les écoute parler ou réfléchir, on réalise qu’elles récitent ce qu’on leur a enseigné, sans recul, sans esprit critique, sans autonomie intellectuelle.
Ce n’est pas un jugement, ni du mépris — c’est un constat clinique, lucide et triste à la fois.
Le diplôme : une preuve d’effort, mais pas une garantie de sagesse
Dans certains domaines, il est évident qu’une formation structurée est nécessaire : médecine, ingénierie, droit, enseignement.
L’Islam encourage d’ailleurs la recherche du savoir rigoureux.
Mais le problème commence quand le diplôme devient :
- un statut,
- une autorité incontestable,
- une carte d’immunité contre toute remise en question.
Le savoir devient alors dangereux :
- quand il gonfle l’ego mais ne nourrit pas le cœur,
- quand il alimente la certitude mais tue la lucidité,
- quand il rend sourd à toute critique, surtout venant d’un frère ou d’une sœur moins diplômé(e), mais plus lucide.
L’université moderne : fabrique de spécialistes, pas de penseurs
L’université, aujourd’hui, ne forme plus forcément des esprits critiques.
Elle produit des techniciens du savoir, capables de citer, d’écrire, de reproduire — mais rarement de penser autrement.
“L’enseignement moderne forme des citoyens obéissants, dociles, et incapables de critique authentique.” — Jean-Claude Michéa
Des penseurs comme Noam Chomsky et Jean-Claude Michéa ont montré comment l’école moderne fabrique du consentement : des individus qui croient être libres, alors qu’ils valident inconsciemment les schémas qu’on attend d’eux.
D’où vient ce manque d’esprit critique ?
Chez les musulmans d’Occident, ce problème est aggravé par plusieurs causes :
- Une origine souvent rurale ou ouvrière, sans culture du débat ni du sens critique.
- Une rupture dans la transmission du savoir religieux et intellectuel traditionnel.
- Une école devenue l’unique source de formation, sans relais familial ni culturel.
- Une éducation où l’on a rarement entendu un adulte dire :
“Je me suis trompé.”
“Explique-moi ton point de vue.”
“Réfléchissons ensemble.”
Ce manque de substrat intellectuel dans le foyer engendre :
- des esprits fragiles face à l’autorité scolaire,
- des attitudes mimétiques,
- une confusion entre respect et obéissance aveugle, entre savoir et notoriété, entre pensée et reproduction.
Résultat : ils adhèrent à tout ce qu’on leur enseigne — jusqu’au jour où quelqu’un leur parle en vérité… et là, tout vacille.
L’effet Dunning-Kruger : quand le diplôme renforce l’illusion
Ce biais cognitif décrit la tendance des moins compétents à surestimer leurs capacités.
Mais il touche aussi certains diplômés : le diplôme devient une preuve de valeur, et donc une barrière à l’humilité intellectuelle.
“J’ai étudié, donc j’ai raison.”
Cette posture empêche la remise en question et crée des certitudes rigides.
Chez certains étudiants musulmans, cela se traduit par :
- un rejet hautain de la science religieuse,
- une croyance en leur autonomie intellectuelle,
- un mépris implicite pour les savants,
alors qu’ils ne font que reproduire les paradigmes dans lesquels ils ont été formés.
Le danger : entre ignorance et arrogance
Cette dynamique produit plusieurs profils :
- des jeunes “éveillés”, mais enfermés dans des discours universitaires à la mode ;
- des diplômés arrogants, incapables de se soigner eux-mêmes ou de vivre en paix ;
- des croyants sincères, mais perdus entre psychologie new age, islam émotionnel et confusion intellectuelle.
Et lorsqu’on leur parle du Coran, de la Sunna ou des savants, ils répondent souvent :
“C’est dépassé.”
“Ce n’est pas scientifique.”
“Tu n’as pas étudié à la fac, donc tu ne peux pas comprendre.”
Les savants de l’Islam avaient déjà tout vu
Les grands savants de notre tradition ont traité ces dérives intellectuelles bien avant l’ère moderne.
- Ibn Taymiyya — Darʾ Taʿāruḍ al-‘Aql wa-Naql
- Ibn al-Qayyim — Ighāthat al-Lahfān
- ash-Shātibī — al-Iʿtiṣām
- an-Nawawī — Sharḥ Riyāḍ aṣ-Ṣāliḥīn
- Ibn Ḥajar — Fatḥ al-Bārī
- al-Albānī — Ṣifat Ṣalāt an-Nabī
- Cheikh Muqbil — al-Maqālāt
Et les quatre imams de l’Islam eux-mêmes ont rappelé :
« Toute personne peut voir sa parole acceptée ou rejetée, sauf celui qui repose dans cette tombe. » — Imâm Mālik
« Si vous trouvez dans mon opinion quelque chose qui contredit la Sunna du Messager ﷺ, alors jetez mon opinion contre le mur. » — Imâm ash-Shāfi‘ī
« N’imite personne. Prends où ils ont tous pris : du Livre d’Allah et de la Sunna du Prophète ﷺ. » — Imâm Aḥmad ibn Ḥanbal
Ces paroles ne sont pas des appels à l’anarchie intellectuelle.
Elles visaient leurs étudiants parmi les savants, ceux qui maîtrisaient les fondements de l’ijtihād.
Elles ne légitiment pas la contestation des savants par les non-spécialistes.
Une alternative : l’Institut Psychothérapie Islamya
C’est précisément pour répondre à ces déséquilibres que nous avons fondé le Psychothérapie Islamya Institut :
un espace de formation, d’accompagnement et de réflexion où :
- la science profane utile est éclairée par la foi ;
- la psychologie moderne est passée au crible du Coran et de la Sunna ;
- la pensée critique se développe selon la voie des gens de la Sunna ;
- l’on apprend à soigner le cœur et la raison par des outils conformes à la Révélation ;
- et l’on retrouve une intelligence enracinée, lucide et équilibrée.
Vers une pensée libre et enracinée
Beaucoup aspirent à réfléchir autrement, à lier foi, raison et lucidité, à s’élever au-dessus du conformisme ambiant.
Mais pour cela, il faut :
- se détacher du moule idéologique,
- comprendre les mécanismes du conditionnement intellectuel,
- réapprendre à penser avec humilité et profondeur.
Rejoindre une voie de clarté et de discernement
Si vous aspirez à comprendre le monde avec justesse, à réconcilier la foi et la raison, à retrouver une lucidité spirituelle dans un environnement confus :
Découvrez les séminaires, formations et consultations du Psychothérapie Islamya Institut.
Chaque programme est conçu pour redonner sens, structure et clarté à la pensée, tout en restaurant l’équilibre du cœur et de l’âme.
Nota Bene
Cet article n’a pas pour but de dévaloriser les études universitaires, scientifiques ou techniques.
Bien au contraire : nous encourageons chaque musulman à viser l’excellence dans son domaine.
Mais il convient de rappeler que :
- le diplôme ne doit jamais devenir un voile sur le cœur,
- la spécialisation ne doit pas faire oublier la conscience éthique,
- la réussite académique doit s’accompagner d’humilité,
- et la science profane doit toujours dialoguer avec la Révélation.
Le musulman doit être lucide, enraciné, utile et équilibré.
C’est en cela que nous appelons à une formation intégrative, où la science profane et la Révélation ne s’opposent pas, mais s’éclairent mutuellement, dans la voie des gens de la Sunna.




